La Mauritanie est un pays triste.
Triste à cause de son armée qui squatte la scène politique au lieu de défendre
les frontières. Triste ensuite à cause de sa classe politique qui semble sourde
aux préoccupations des citoyens ordinaires et qui semble naviguer sans
direction. Triste enfin à cause de sa jeunesse, la relève, complètement
désorientée. Au moment où la jeunesse du monde arabe redessine le jeu
politique, celle de Mauritanie s’essaie à la guérilla cybernétique. C’est ainsi
que Poullori observe avec regret des soi-disant combattants passer leurs saintes
journées et leurs saintes nuits sur internet à se massacrer à la tronçonneuse
cybernétique. Quel gâchis que cette force utilisée pour une si mauvaise
cause !
Ceux qui ont choisi le clavier au
lieu du bâton, des pierres ou des manifestations pacifiques doivent faire
preuve de modestie et d’humilité. Ils doivent surtout faire montre de lucidité
et de clairvoyance pour identifier clairement le but de leur combat et
distinguer leurs partenaires de leurs vrais adversaires.
A titre d’exemple, la presse ne
doit pas être l’adversaire. Sans les médias, les messages et les discours
resteraient inaudibles, comme si les acteurs se contentaient de discuter dans
leur chambre d’étudiant. Or, les attaques contre les médias sont de plus en
plus violentes. Cridem et Claude K. reçoivent des coups en dessous de la
ceinture. Pourtant, tout le monde s’empresse de se faire publier par Cridem et
crie à la censure si un article reste deux heures sans paraître. Même chose
pour Kassataya et Abdoulaye Diagana. Ce journaliste qui n’a plus rien à prouver
en matière de rigueur et de sérieux a reçu tout le gotha de la scène politique
nationale. Grâce à lui, des questions cruciales ont été posées en direct, donc
sans possibilité de tricher. Tout le monde y a trouvé son compte. Mais
curieusement, Cridem et Kassataya sont accusés respectivement d’être proche du pouvoir et de l’opposition.
Pourtant, les deux publient aussi bien l’opposition que le pouvoir. On ne peut
pas sérieusement reprocher à un média de donner la parole à des acteurs
politiques. On peut ne pas être d’accord avec un acteur politique mais faisons-nous
violence pour écouter sa version des faits. C’est comme si on reprochait à la
Croix-Rouge de soigner les blessés des deux camps pendant un conflit. Peut-on
imaginer qu’un tribunal refuse la parole et un avocat à un criminel ? C’est
à croire que nous ne sommes pas démocrates et que nous ne voudrions qu’un seul
son de cloche. Parfois les accusations sont tellement légères que les lecteurs
se posent des questions sur le sérieux de ceux qui les formulent. Comment faire
un procès à un journaliste juste à cause d’une incompréhension sur une
expression polysémique ? Cette polémique ridicule et insensée avait montré
les ravages de l’école mauritanienne.
Comment des personnes qui ne
peuvent pas comprendre des expressions aussi simples, les subtilités du
langage, comment ces personnes
peuvent-elles comprendre ce que dit l’adversaire ? Ce que veut le
partenaire ou le citoyen qu’ils prétendent défendre ? Comment peuvent-ils
concevoir et proposer une alternative crédible alors que leurs capacités de
compréhension sont si altérées ? Mener un combat, porter le lourd fardeau
qui consiste à le diriger c’est aussi se préparer socialement, culturellement,
politiquement, intellectuellement… Conduire sa propre voiture est une chose ;
piloter un avion avec des centaines de vies civiles dont on la responsabilité
en est une autre. Il faut en prendre conscience et s’y préparer.
A part Cridem et Kassataya, Jedna
Deida (le quotidien de Nouakchott) avait aussi eu des problèmes avec des
militants. Idem pour « le
rénovateur quotidien », « alakhbar »… qui avaient aussi subi des
attaques intolérables juste parce qu’ils faisaient leur boulot. On ne peut pas vouloir faire la guerre à tous
les médias juste parce qu’ils ne font pas ce que vous voudriez qu’ils
fassent ! C’est de la tyrannie. Et en même temps on se plaint de ne pas
avoir assez de couverture médiatique ! Il faut savoir ce qu’on veut. Et,
plus important, il faut de la tactique dans un combat. Il ne sert à rien de
courir dans toutes les directions. Il faut se concentrer sur une cible.
Par ailleurs, les mêmes
super-héros du net se donnent en spectacle en s’insultant sans vergogne les uns
les autres. Les usines à rumeurs tournent à plein régime et l’industrie de la
calomnie ne connaît pas la crise. Il suffit d’un petit désaccord, minuscule et
ridicule le plus souvent, pour que les pires mensonges soient débités contre
des militants. Même Touche Pas à Ma Nationalité, ce mouvement qui a porté tant
d’espoirs, n’a pas échappé à ce fléau ! (Poullori y reviendra dans un
prochain billet). Comment rester crédibles avec ça ? Avec une opposition
et une relève pareilles le pouvoir n’a pas de soucis à se faire. Leurs
animateurs prétendent se battre pour la justice, l’égalité, la démocratie et
tous les beaux concepts du genre, alors que dans leurs comportements quotidiens
ils sont intolérants, tyranniques et n’hésitent pas à calomnier, à diffamer, à
invectiver, à menacer, à intimider.
C’est comme si toute cette
agitation essayait de cacher une grande faiblesse : ceux qui s’excitent
sur le net n’évitent-ils pas la réalité du terrain en s’achetant une bonne
conscience à moindres frais ? Envoyer deux communiqués, trois messages et
quatre injures et fanfaronner partout son
statut de combattant de la liberté et des droits de l’homme c’est un peu maigre
(oui, y compris Poullori, mais Poullori a la décence de se taire quand les
acteurs occupent le terrain). Cette agitation sur la toile pourrait être utile
aux acteurs présents sur le terrain si elle était mieux utilisée. Les deux
mobilisations peuvent être complémentaires. A la condition d’être animées par
des militants responsables et disposant d’une vision claire de l’objectif
recherché. Sinon ce serait peine perdue et débauche inutile d’énergie. A défaut
de descendre sur le terrain pour soutenir les partenaires et faire face aux
adversaires, à défaut de relayer et renforcer les combats sur le terrain, mieux
vaut avoir l’élégance de se taire ou se faire discret. Cela ferait du bien à
tout le monde et éviterait de distraire les combattants. Gloire à ceux qui sont
sur le terrain et à ceux qui les aident vraiment, même par le clavier. C’est
une transition pour le prochain texte de Poullori qui portera sur la courageuse
décision des FLAMs de rentrer à Nouakchott. En attendant, Poullori leur dit
bravo et bon courage !
A bientôt.